samedi 2 mars 2013

Sa femme et ses gosses étaient partis passer l'après-midi chez ses beaux-parents; nous voilà donc assis dans sa cuisine, à boire du soda, tandis que ce petit bonhomme noueux, avec les airs supérieurs d'un voyou des rues, n'arrête pas de ricaner dédaigneusement de tout ce que dit Ira. Comment il explique son retournement de veste?
"Je ne savais rien de rien, à l'époque, je confondais la merde avec le cirage, je savais pas de quoi je parlais." Puis s'adressa à moi:
"Ecoute pas ce qu'il te raconte, petit. Tu vis en Amérique. C'est le pays le plus formidable de monde, le système le plus formidable du monde. Il y a des gens qui se font chier dessus, d'acoord. Tu crois qu'il y en a pas un Union Soviétique? Il te dit que dans le capitalisme, les loups se mangent entre eux? C'est quoi la vie, sinon un système où les loups se mangent entre eux? Notre système est en prise directe avec la vie. Et c'est pour ça qu'il marche.
Ecoute tout ce que disent les communistes sur le capitalisme, c'est vrai. Et tout ce que disent les capitalistes sur le communisme, c'est vrai. Seulement la différence, c'est que notre système marche parce qu'il est fondé sur une vérité: l'égoisme humain; le leur ne marche pas parce qu'il est fondé sur un conte de fées: la fraternité humaine. Il est tellement dingue leur conte de fées, qu'ils sont obligés de te coller les gens en Sibérie pour qu'ils y croient. Pour qu'ils y croient, les gens, à cette histoire de fraternité, il faut contrôler la moindre de leur pensées, ou alors les fusiller. Pendant ce temps-là, en Amérique, en Europe, les communistes continuent à raconter leur conte de fées alors qu'ils savent très bien ce qu'il se passe là-bas. Bon, bien sûr, pendant un temps on ne sait pas. Mais qu'est-ce qu'on ne sait pas?
On connaît l'être humain. Autant dire qu'on sait tout. On sait que c'est une histoire à dormir debout. Quand t'es jeune, bon, passe encore. Vingt ans, vingt-et-un, vingt-deux ans, soit. Mais au-delà? Je ne vois pas comment une personne d'une intelligence normale peut avaler les contes de fées communistes: "On va faire des trucs formidables." Mais enfin, quoi, on connaît son frère. On sait bien que c'est un enfoiré. On connaît son ami. C'est un demi-enfoiré. Et nous aussi, on est des demi-enfoirés. Alors comment veut-tu que ça soit formidable?
C'est pas la peine d'être cynique, ni même sceptique, il suffit d'avoir des capacités d'observation ordinaires pour comprendre que CA NE TIENT PAS DEBOUT.

"Tu veut venir visiter mon usine capitaliste, voir comment on fabrique un matelas à la manière capitaliste? Viens chez nous, tu parleras aux vrais travailleurs. Ce type-là, c'est une vedette de la radio, c'est une vedette à qui tu parles, pas à un ouvrier. Mais si, Ira, tu es devenu une star comme Jack Benny - qu'est-ce que tu y connais, bon Dieu, au monde du travail? Qu'il vienne dans mon usine, ce jeune, il va voir comment on fabrique un matelas; il va voir le soin que ça demande; il va voir comment il me faut superviser tout le processus pour qu'il me bousille pas mes matelas. Il va voir ce que ça veut dire d'être l'abominable propriétaire des moyens de production. Ca veut dire se casser le cul vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les ouvriers, à cinq heures, ils rentrent chez eux. Pas moi. Je suis au boulot jusqu'a minuit. Je rentre, et j'arrive pas à dormir parce que je fait les comptes dans ma tête; et à six heures du matin, je suis de nouveau sur place pour ouvrir. Le laisse pas te bourrer la caisse avec ses idées communistes, petit. C'est rien que des mensonges.
Fais de l'argent. Ca ment pas, l'argent. L'argent c'est la manière démocratique de marquer des points. Fais-toi de l'argent, et puis après, s'il faut vraiment, alors prêche la fraternité humaine.







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